Je les regardais et je songeais à quel point tout aurait pu être différent. Il aurait pu être là, avec nous. Si souvent. Leurs rires auraient fait mon quotidien. Quatre ans. Etait-il possible que quatre années se soient perdues ainsi ? Etait-il possible que quatre années aient été gâchées ? 

J’avais souvent, très souvent maudis cette fin d’après-midi. Très souvent regretté. Mais je m’étais fait à la vie… Mieux, je m’étais pardonné ma maladresse.  Mais la chaleur du présent rouvrait cette plaie. Le bien-être du présent ravivait les regrets,  la colère... La beauté du présent étalait l’évidence, celle du temps perdu, celle des moments ratés.

Sans son absence, aurais-je été plus forte ? Aurais-je mieux vécu ces temps de drames ? Ou plus simplement, aurais-je jamais été mal, plus entière ? Assurément, les moments auraient été différents. Les conversations auraient eu un autre équilibre. Mais les mêmes amitiés se seraient elles créées ? Aurais-je rencontré ces autres qui ont à leur tour changé ma vie ?


Parfois, on a le vertige à imaginer ce que la vie aurait pu être. L’autre possible est comme le fantôme d’un ravin, presque à côté de nos pieds. Il longe notre chemin, coulé derrière nous près des traces de nos pas, lové contre la brume qui masque notre avenir. Il nous rappelle que d’autres voies auraient pu être plus douces. Ouvert sur une mer de nuages, nous ne savons rien de lui. Peut-être n’est-il d’ailleurs pas meilleur que le chemin sur lequel s’alignent nos pas mais notre caractère d’homme nous pousse toujours à nous imaginer que nous ne sommes pas les mieux lotis.
 Lui sait quel chemin il dissimule, et du vide qu’il empli, joue avec nos doutes. Il nous nargue, faibles êtres de chair prisonniers de notre réalité comme les poissons le sont de leur aquarium. Il nous attire, il nous appelle, puis derrière une couche de vapeur,  s’estompe à notre approche…

Lénil Aout 2011



Tandis que les galets pleurent...

Nous avions tant rêvé ici. Nous avions tant aimé. Tant jouer à ces jeux d'enfants qui malgré les années, restent enraciné au fond du cœur. Et alors, lorsqu'on revient ici, tout resurgit.

A la façon des vagues qui heurtent tranquillement les rochers, les souvenirs remontent des tréfonds de notre être. Doucement, ils viennent fissurer la carapace qui les a recouverts. Violemment, ils chassent cette assurance que l'on a mis tant d'années à bâtir. Et la douleur revient, tenue mais lancinante.

Distraitement, je cherche un galet. Est-ce que je sais encore faire des ricochets ? Je lance la question à voix haute aux autres. Pourtant, je ne fais déjà plus réellement dans le monde... Je me trouve désormais dans un endroit qui leur est inaccessible, le souvenir d'une chose qui ne leur est jamais arrivée. Ils sont là, à moins de deux mètres, debout sur la crique, présence de chaleur, mais je ne les ressens plus. Pourtant je suis moi aussi sur la crique. Mais à une autre époque, dans un autre rêve. Je me trouve dans un autre monde, en tout point pareil à celui-ci, et pourtant différent. S'ils pouvaient comprendre...

Un coup de bras et le galet s'enfonce dans l'eau. Oublié. Un autre coup, une nouvelle éclaboussure, puis plus rien. Les souvenirs sont plus rapides à revenir, ils me rongent. Le regard dans le vide, je continue à lancer des cailloux plats, tentant de ne pas perdre ce dernier contact avec la réalité.

Tandis que les galets pleurent, je me perds dans le tourbillon des anciens rires et des vieilles chimères.

Soudain, l'une des pierre rebondit sur les flots... puis une seconde. Une fois, deux fois, trois fois, quatre fois. Le temps d'une respiration, elle défie les lois de la pesanteur, se riant des profondeurs comme l'albatros se rit de l'archer.

Tandis que les galets pleurent, je me demande si je viendrais encore ici, si le temps ne s'était pas enfui, si rien avait changé.






*Égarement*





 

Lénil, Mai 2011


Lui défiant le soleil,
Elle aveuglée par sa propre lumière,
Encore, encore et encore,


Prisonniers de leur jeu,
Aliénés malgré eux,
Ils alternent leurs rôles...


Ils croient au hasard,
Sans destin, aléatoire,
Mais les dés sont truqués...


D'un théâtre tragique,
Ils s'affirment comiques,
Rejouant les mêmes scènes...


Chorégraphes parfait,
Leur mouvement sont complets,
Et la musique sans fin...


Prisonniers de leur jeu,
Jour et nuit malgré eux,
Ils dansent à jamais...

  
Elle défiant le soleil,
Lui aveuglé par sa propre lumière,
Encore, encore,
Encore.

 Lénil., Avril 2011



Chaleur gelée,
Douce nuit de cruauté,
Derrière tes draps noirs innocents,
Que tais-tu réellement ?


Et soudain cette lance,
Brisant la joie et les rires,
Le froid qui s'élance,
Détruisant tout plaisir,


Quelque part au loin,
Son visage d'ange regarde le mur, distraitement.


Délaissée par le vent,
Étourdie dans la nuit,
Heurtée du tourbillonnement,
Des pensées qui blessent et s'enfuient,


Seule dans cette chambre inatteignable,
Elle jette un ultime regard sur le passé.


La douleur, par le froid transformée,
Se répand dans les veines tel un poison,
Et comme par une brume atténuée,
Lentement englouti les émotions,


Oublier.
S'oublier.
Être oubliée.


Les cris ne sortent pas de la gorge,
Les membres étouffent dans un silence pesant,
Engourdis par l'hiver, brûlants comme une forge,
Ils pleurent doucement un triste chant,


Ses doigts parcourent les tablettes
Sa respiration s'accélère.


Son souvenir lentement s'enlise,
Un vide rempli de bruit se crée,
À mesure que son image se brise,
Elle m'échappe, oubliée,


Tandis qu'une dernière larme coule sur sa joue,
Elle sourit.


Loin de mon corps, de mon esprit,
Une force semble l'emporter,
Loin de mes efforts vains, loin de la vie,
Le vide parait la noyer.


Chaleur gelée
Douce nuit de cruauté
Serais-tu la dernière?
Serais-tu sa dernière?



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 Parfois, le monde perd soudain toutes ses couleurs.
Détester les adieux.
Même si le passé ne cesse jamais d'être présent en nous.

Lénil, Mars 2010
Pensées d'Hiver...



Les blés s'agitent.
Les rayons d'un soleil de feu morflent dans l'atmosphère.

Eté.
Après-midi.
Je rêve.

*************************





" Un brouillard pâle enrobait la ville d'une fraîcheur invisible. Des gouttelettes d'eau nageaient dans l'air, comme si les embruns de l'océan avaient profité de la nuit pour élire un nouveau domicile. Elles dansaient contre les joues des hommes, caressant leurs pommettes, tandis que le froid engourdissait leurs mains. [...] Le Continent paraissait être monté au ciel pendant la nuit et pris au piège par un nuage.
Assis sur les marches de l'hôtel de ville, Maylien tirait doucement la langue. Le froid mordillait la gorge, tandis qu'une sorte de rosée se déposait sur ses papilles. Les yeux clos, frissonnant, il savourait la douce sensation de la brume.
« Ça doit être délicieux, un nuage, si ça a ce goût-là », songea l'adolescent. "
[Le Continent de Séphir, Tome 1, Chapitre 1 (Best Seller à paraître)]

 
***
Frotter son doigt contre le givre de la portière.
Esquisser un dessin.
Sourire.

Lénil, Janvier 2011
Première averse de citations


"J'ai oublié de commémorer le troisième anniversaire de ma dépression."

*

"Un homme n'est jamais aussi grand que lorsqu'il est à genoux pour aider un enfant..."

*

"L'Art du Dessin n'est rien à côté d'une bonne salade de champignons." (Merwyn Ril' Avalon)

*

"Se suicider, c'est prendre une sortie de secours pour fuir un danger mortel : la vie."

*

"Les morts sont comme les vaches, ils regardent passer les trains."

*

"Il paraît qu'il faut être heureux."
Des flocons de neige qui ressemblent à des étoiles...
... et des étoiles filantes qui ressemblent à des flocons.

Des étoiles froides,

Une pluie de cristal,
Des fusées dans la nuit glacée.
Regarde,
Regarde...


Ces cristaux de neige aux branches dentelées et légères,
Ces étoiles qui laissent dans le velour noir une trainée de lumière,
Regarde,




Regarde... 


Lénil, Janvier 2011