Tandis que les galets pleurent...

Nous avions tant rêvé ici. Nous avions tant aimé. Tant jouer à ces jeux d'enfants qui malgré les années, restent enraciné au fond du cœur. Et alors, lorsqu'on revient ici, tout resurgit.

A la façon des vagues qui heurtent tranquillement les rochers, les souvenirs remontent des tréfonds de notre être. Doucement, ils viennent fissurer la carapace qui les a recouverts. Violemment, ils chassent cette assurance que l'on a mis tant d'années à bâtir. Et la douleur revient, tenue mais lancinante.

Distraitement, je cherche un galet. Est-ce que je sais encore faire des ricochets ? Je lance la question à voix haute aux autres. Pourtant, je ne fais déjà plus réellement dans le monde... Je me trouve désormais dans un endroit qui leur est inaccessible, le souvenir d'une chose qui ne leur est jamais arrivée. Ils sont là, à moins de deux mètres, debout sur la crique, présence de chaleur, mais je ne les ressens plus. Pourtant je suis moi aussi sur la crique. Mais à une autre époque, dans un autre rêve. Je me trouve dans un autre monde, en tout point pareil à celui-ci, et pourtant différent. S'ils pouvaient comprendre...

Un coup de bras et le galet s'enfonce dans l'eau. Oublié. Un autre coup, une nouvelle éclaboussure, puis plus rien. Les souvenirs sont plus rapides à revenir, ils me rongent. Le regard dans le vide, je continue à lancer des cailloux plats, tentant de ne pas perdre ce dernier contact avec la réalité.

Tandis que les galets pleurent, je me perds dans le tourbillon des anciens rires et des vieilles chimères.

Soudain, l'une des pierre rebondit sur les flots... puis une seconde. Une fois, deux fois, trois fois, quatre fois. Le temps d'une respiration, elle défie les lois de la pesanteur, se riant des profondeurs comme l'albatros se rit de l'archer.

Tandis que les galets pleurent, je me demande si je viendrais encore ici, si le temps ne s'était pas enfui, si rien avait changé.






*Égarement*





 

Lénil, Mai 2011

3 commentaires:

  1. Tu écris trop bien!!! J'adore!!!

    Arayehel...

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  2. Merci ! =)
    Au fait, t'avais pas besoin de faire un compte Google pour commenter. Y'a une rubrique nom / prénom où tu peux mettre un pseudonyme et l'adresse de ton blog.

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  3. Un beau texte... empreint de mélancolie et de nostalgie à la fois. Cet "égarement", cet état assez étrange...

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